Tahiti

Les 9 jours de Bougainville à Tahiti

Après 16 mois de navigation dans toutes les mers du globe, l'équipage de la Boudeuse et de l’Étoile aperçoit le 2 avril 1768 une île, c'était Tahiti. Bougainville y passa 9 jours dans un paradis perdu où il fit de merveilleuses rencontres. Les équipages étant malades et la nourriture épuisée, il décida, devant cette situation alarmante, de mouiller dans la première baie qui s'offrait à lui. Par malchance et à cause d’une ignorance géographique propre aux climats tropicaux à savoir que les côtes orientales des îles sont exposées aux alizés dominants et n’offrent aux navigateurs aucune rade abritée leur permettant des mouillages satisfaisants.
 


Carte de la seconde division, Archipel de Bourbon
 

Résumé d’après le récit de Bougainville

Le 4 avril au lever du soleil, les deux navires étaient entourés de plus de cents pirogues qui étaient chargés de noix de coco, de régimes de bananes et d'autres fruits du pays. Une pirogue de douze hommes approcha de la Boudeuse et un homme avec une grande chevelure en rayons, leur offrit un petit cochon et un régime de bananes. Bougainville leur donna en échange des bonnets et des mouchoirs. Le soir venu, tout le rivage était remplit d'une multitude de petits feux destinés à faciliter les transbordements des scorbutiques à terre.
Cette île haute et montagneuse était recouverte de verdure et les terrains les moins élevés étaient des prairies, des bosquets ou des plantations. Il y avait aussi de nombreux arbres fruitiers.
 


 

Ils entrevirent une magnifique cascade au pied de laquelle était bâti un village mais où il était impossible de mouiller les navires.
 


 

Le 5 avril, Bougainville et l'équipage ont continué le trafic avec les insulaires. Ils échangèrent des poules, des pigeons, des instruments de pêche, des herminettes de pierre, étoffes et des coquillages contre du fer et des pendant d'oreilles. Ils virent pour la première fois quelques jolies femmes presque dévêtues. A bord de l’Étoile, un insulaire passa la nuit sans aucune inquiétude (Aotourou).
 


 

Le 6 avril au matin, plusieurs brisants paraissaient défendre le passage entre les deux îles. Les deux vaisseaux firent demi-tour et ils descendirent les canots pour trouver un autre mouillage dans la première baie. L’Étoile mouilla dans le Nord à une encablure.
 


Mouillage de Bougainville à Hitiaa



Au cours de son voyage autour du monde avec la frégates la Boudeuse et la flûte l’Étoile L.A. de Bougainville a débarqué sur ce rivage le 6 avril 1768
 

A mesure qu'ils avançaient dans la baie d’Htiaa, l'affluence des pirogues fut de plus en plus grande. Ils eurent beaucoup de peine à amarrer au milieu de la foule et du bruit. Tous les insulaires venaient en criant tayo, qui signifie ami. Tous demandaient des clous et des boucles d'oreilles. Les pirogues étaient remplies de femmes nues et les indigènes leur proposèrent de choisir une femme et de faire connaissance avec elle. Néanmoins, le cuisinier du bord, ne résista pas à l'envie de sauter à terre. Il en revint plus mort que vif et eut la peur de sa vie car les insulaires le déshabillèrent pour l'examiner de la tête au pied.
Lorsqu'ils furent solidement amarrés, Bougainville descendit à terre avec plusieurs officiers. Une foule immense d'hommes et de femmes les attendait. Aucun d’entre eux n'avait d'arme ni de bâton.
 


 

Le chef de ce canton les conduisit dans sa maison où il y avait dedans cinq ou six femmes et un vieillard vénérable aux cheveux et longue barbe blancs qui était le père de l’hôte. La maison n'avait aucun meuble, aucun ornement, rien ne la distinguait des autres cases à part sa grandeur (24 mètres de long sur 6 mètres de large soit 144 mètres carrés). Ils remarquèrent un cylindre d'osier, long de 1,10 mètre, garni de plumes noires, lequel était suspendu au toit ainsi que deux idoles en bois noir dur.
 


 

Le chef leur proposa d'aller s'asseoir sur l'herbe au-dehors de sa maison, où il fit apporter des fruits, du poisson grillé et de l'eau. Pendent le repas, le chef leur offrit des pièces d'étoffes (des tapas en fibres d’arbre à pains), deux grands collier faits d'osier recouverts de plumes noirs et de dents de requin furent offerts au Chevalier d'Oraison et à Bougainville. Le Chevalier de Suzannet s’aperçut alors qu'il lui manquait un pistolet qu'on lui avait adroitement volé dans sa poche. Alors le chef fouilla toutes les cases mais sans le retrouver. Bougainville le mit en garde contre la dangerosité de l'objet. Le chef et tout le peuple les accompagnèrent jusqu’aux bateaux où ils remarquèrent un insulaire d’une belle figure qui, couché sous un arbre, leur offrit quelques notes d’une flûte dans laquelle il soufflait avec le nez (le vivo)et un autre qui chantait. Quatre insulaires sont venus sur le bateau pour souper et coucher à bord. Ils leur firent écouter de la flûte et du violon, et donnèrent un feu d’artifices composé de fusées et de serpenteaux. Ce spectacle leur causa une surprise mêlée d’effroi !
 


Le 7 avril au matin, le chef dont le nom est Ereti, vint à bord avec un cochon, des poules et aussi le pistolet qui avait été volé la veille. L'équipage remarqua l'honnêteté et le bon sens de ces hommes et le capitaine décida d’installer un camp à terre pour les malades le long d'une petite rivière. Toute fois dans la soirée, le chef Ereti et son père ainsi que les principaux du canton firent comprendre à Bougainville que leur séjour à terre leur déplaisait et qu'il fallait coucher à bord des vaisseaux la nuit. Bougainville répondit que c'était nécessaire pour l'eau, le bois et les échanges entre eux. Ils tinrent alors un second conseil, à l'issue duquel Ereti vint lui demander combien de temps resteraient ici ? Il pensait que Bougainville allait toujours y rester. Bougainville lui fit comprendre à l'aide de dix-huit pierres qu'il comptait restait dix-huit jours. Après cela, il y eut une nouvelle conférence où il fut appelé. Un homme qui paraissait peser dans le conseil, voulait réduire à neuf les jours de campement. Le chef de l’expédition insista pour dix-huit jours et enfin ils y consentirent. Après, Ereti leur offrit un hangar immense tout près de la rivière, sous lequel étaient quelques pirogues qu'il fit enlever sur le champ. L'équipage dressa dans ces hangars les tentes pour les scorbutiques, douze de la Boudeuse et vingt-deux de l'étoile ainsi que quelques autres hommes nécessaires aux services. Bougainville resta à terre la première nuit et soupa avec Ereti.


Le 8 avril, se passa pour perfectionner leur camp. Ce hangar était bien fait et parfaitement couvert d'une espèce de natte. Les insulaires apportaient de toutes parts des fruits, des poules, des cochons, du poisson, des coquillages, des plantes et des pièces de toile qu'ils échangeaient contre des clous, des outils, des fausses perles, des boutons et mille autres bagatelles qui étaient des trésors pour eux. Bougainville demanda à Ereti de lui indiquer en emplacement où couper du bois. Le chef lui indiqua certains arbres qu'il pouvait couper. Le reste des insulaires aidaient les ouvriers à couper les arbres, les transporter et ils les payaient avec des clous. Le seul problème était le vol car les deux premières nuits malgré les sentinelles et les patrouilles, les équipages se sont fait voler. Les voleurs se cachaient dans un marais couvert d'herbes et de roseaux qui étaient derrière leur camp. De nmbreux incidents émaillèrent les relations avec la population et Ereti lui-même lui mêm lui recommanda de faire usage des armes pour calmer les récalcitrants.
Chaque jours, les matelots se promenaient dans le pays accompagnés d'une foule de gens qui les invitèrent à manger dans les maisons.
Bougainville fit présent au chef du canton d’un couple de dindes et de canards mâles et femelles et il lui proposa de lui faire un jardin et d'y semer différentes graines. Proposition qui fut reçue avec joie. Ereti leur prépara un terrain qu'avaient choisi les jardiniers. Bougainville le fit bêcher tandis que les villageois admiraient leurs outils de jardinage. Les jardiniers semèrent du blé, de l'orge, de l'avoine, du riz, du maïs, des oignons et des graines potagères de toutes sortes. Bougainville note aussi qu’ils possèdent autour de leurs maisons des espèces de potagers garnis de giraumons, de patates, d'ignames et d'autres racines.
Les premiers jours de leur arrivée, ils eurent la visite du chef d'un canton voisin, qui vint à bord avec des fruits, des cochons, des poules et des étoffes. Ce seigneur, nommé Toutaa, est d'une belle figure et d'une taille extraordinaire. Il était accompagné de quelques-uns de ses parents presque tous mesuraient près de deux mètres. Bougainville leur donna des clous, des outils, de fausses perles et des étoffes de soie...


Le 10 avril, il y eut un insulaire tué par un coup de feu. Mais Bougainville ne laissa descendre aucune personne avec des armes à feu. Les gens du pays vinrent se plaindre de ce meurtre. Les insulaires continuèrent cependant à venir dans leur quartier. Ils constatèrent que beaucoup de gens emportaient leurs effets à la montagne et que la maison d'Ereti était toute démeublée. Ce bon chef continua à leur témoigner la plus sincère amitié. Ils aperçurent qu'ils étaient mal mouillés et que le fond de l'eau était parsemé de gros coraux. Un fort vent du large très inquiétant leur fit redouter d’être drossés sur la côte.
 

Le 11 avril : rien n'est mentionné pour cette journée en raison des conséquences de cette mort et des graves tensions qui éclatèrent avec la population. La météo se dégrada et la Boudeuse perdit sa première ancre.
 


Le 12 avril, à cinq heures du matin, les deux voiliers manquent de se heurter, il y a grosse houle, pluie et orage. De plus, dans l'après-midi, on vient apprendre à Bougainville que trois insulaires sont morts dans leurs cases à coups de baïonnette. Il parvint à calmer les graves tensions à terre en présentant les quatre soldats soupçonnés d'être les auteurs du forfait. Ce procédé parut les contenter.
Il passa la nuit à terre et prit des précautions craignant une réaction des insulaires. La nuit fut tranquille malgré le retour du vent.


Le 13 avril, la Boudeuse perdit deux nouvelles ancres et manqua d'être drossée sur le récif. Au matin, le village étai désert. Le prince de Nassau descendit du navire et alla à la rencontre des insulaires pour les assurer. Les femmes éplorée se jetèrent à genoux et crièrent aux soldats « tayo, maté », vous êtes nos amis et vous nous tuez. Les étrangers parvinrent à les rassurer et à ramener la paix : le troc reprit.


Le 14 avril au matin, des vents favorables permirent à l’Étoile de prendre le large pour échapper aux dangers des vents. Toute la journée et une partie de la nuit, ils fallut démonter l’hôpital et le camp.
Bougainville qui avait décidé d’appareiller à son tour enfouit près du hangars un acte de possession inscrite sur une planche de chêne ainsi qu’ une bouteille bien fermée contenant les noms des officiers des deux navires.
 


Le 15 avril à six heures du matin, la Boudeuse leva l'ancre et fila rejoindre l’Étoile. Une fois les navires furent en sûreté, ils s'arrêtèrent pour recevoir les adieux des insulaires. Dès l'aube, Ereti remarqua qu'ils partaient alors il prit la première pirogue et se rendit à bord. En y arrivant, il embrassa tous les officiers en versant quelques larmes. Peu de temps après, il revint avec sa pirogue chargé de rafraîchissement, de femmes et de l'insulaire qui passa la nuit sur l’Étoile le premier jour de leur arrivée. Il leur fit comprendre que cet homme voulait les suivre dans leur voyage et leur permettrai de les aider à naviguer dans les eaux dangereuse des archipels. Il se nommait Aotourou. Il y avait aussi une jeune et jolie fille avec lui qu'Aotourou embrassa tendrement et à qui il donna trois perles qu'il avait à l'oreille. Les adieux furent très émouvants.


Compte rendu de lecture de Antoine Nagy & Philippe Prudhomme
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